Habiter la grève – De l’usage de l’espace en temps de grève

nous recevons et transmettons
 

Jeudi dernier, malgré la présence de centaines de grévistes, le cégep du Vieux-Montréal est tombé entre les mains des forces policières. En temps de grève, cette grosse tour aurait bien pu servir de Q.G. à tous les Vandales de qualité qui s’agglutinent dès que le temps des hostilités est lancé. L’administration du Vieux savait. Elle connaît la force d’organisation que peut donner un espace à la grève et dans son rôle de police, elle a préféré vider la rivière pour tuer le poisson, expulser la grève, la mettre à la rue. Le printemps a beau s’en venir, il fait frette dehors et ce sont pas les grands défilés de l’Assé qui vont nous réchauffer.

Ça nous prend une place, des places, celles que la société, les flics nous refusent. L’expropriation, c’est un processus continuel pour détruire toute forme de liens autres que contractuels. La propriété vient briser le libre-usage des espaces : c’est l’opération politique à laquelle se confronte actuellement la grève. Si on pose la nécessité d’une place, c’est pour pouvoir débattre, décider et se réunir. La grève ne doit pas se limiter à des tournées de classe, du passage de tracts et des tables d’infos. Il faut s’emparer de cette grève, ça veut dire investir des espaces pour faire du politique, ne pas laisser cette activité à des carriéristes.

Pour ça, il est impératif de dépasser le cadre étroit des espaces institutionnels : exécutifs et assemblées générales. Le conflit politique ne peut se réduire à ces seuls lieux : il doit être rendu nomade. Entre les assemblées, pas question de se taire ou de seulement crier contre la ministre. Il faut que nous nous parlions, que nous réfléchissions, bref, que nous étendions les espaces d’élaboration stratégique. Le clivage des campus doit être brisé: les grévistes doivent se rencontrer au-delà de leurs déterminations institutionnelles.

Nous devons nous atteler à cette tâche : se retrouver. Avec le lock-out du Vieux, l’UQAM peut-elle jouer le rôle d’oasis accueillant la horde ?

Si le Vieux a ses flics qui verrouillent les portes et poivrent le monde, l’UQAM n’est pas en reste. Y’é pas question ici des petits gardas engagés en grand nombre par le vieux Corbeau, mais d’un incompréhensible bénévolat d’une clique de bureaucrates qui travaillent à la reconduction de l’ennui. La grève ne se fait pas sentir. Prendre un espace, c’est pas nécessairement l’occuper la nuit durant contre le SPVM. C’est d’abord le densifier, le vivifier, en assurer la longévité et la combativité.

L’apport des camarades du Vieux pourrait dynamiser l’espace quadrillé uqamien. Si aucun espace ne peut suffire au nomadisme de la grève, il existe une multitude de campus à prendre. Le risque d’une prise de l’UQAM, c’est de prendre les habitudes de la place : adopter la doctrine de la planification en niant la contingence, considérer la grève comme acquise, penser l’université comme un lieu sacré du savoir séparé et réduire cette lutte à la seule hausse des frais de scolarité. Pour s’en prévenir, rappelons-nous le vieil adage : À Rome, on fait comme les Vandales!

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